Le bien par le mal.
Nouveau concept. La recherche du bien par le mal. Etre au plus bas sans y penser. Ce matin-là, assise par terre, les mains qui tremblent en retenant ses cheveux, fébrile. La cuvette des toilettes est la seule chose qu’elle soit capable de contempler sans avoir le vertige. C’est très simple. Le problème est concret, il existe ; quant à la solution, elle est devant ses yeux. Mieux même : le problème est un mal pour un bien. Des nausées comme des souvenirs. Vodka. Gin. Manzana. Rhum. Et même la Clairette, Nico a insisté, voilà. Elle est mal et elle sait pourquoi. Ca a quelque chose de rassurant, de logique. C’est un jeu dangereux avec son corps. Un défi, un duel. « Si je fais ça tu fais quoi ? »… Elle lui fait du mal et il la punit.
C’est la même chose pour l’amour, puisqu’il faut bien utiliser ce mot. Il faudrait un nouveau mot, un mot court, un mot qui sonne clair. Pas un mot chargé des sous entendus de toute l’histoire de l’humanité. Pas un mot qu’on hésite à dire. Il faudrait pouvoir dire qu’on aime en disant autre chose, et ça ne gênerait personne, ce serait naturel même. On dirait « je t’aime » comme on dit « tiens tu t’es fait couper les cheveux ? ».
C’est donc la même chose pour l’amour, pense-t-elle en massant son cou douloureux. Des bleus plein la nuque et les nombreuses marques de morsure. Ils se griffent, ils se mordent, ils s’étrangleraient presque. C’est le seul moyen, vous savez, pour ne plus penser à rien. Etre dans l’état second de celui qui souffre et qui ne peut se concentrer que sur cette douleur. Une douleur que, pour une fois, on accepte de recevoir. L’abandon à l’autre. « l’amour » jusqu’à accepter d’avoir mal. Jusqu’à aimer avoir mal. Et ses dents qui s’enfoncent dans la chair, qui saisissent un petit bout de peau et qui serrent encore et encore. Et son corps qui l’étouffe et qui la protège. Incapable de bouger, seulement planter ses ongles dans le dos de ce mec presqu’idéal. Partager la douleur et s’embrasser et se débattre. Se faire du mal pour se sentir bien. Pour ne plus rien sentir. C’est ce qu’on recherche tous, n’est-ce pas ? l’abandon, quel qu’il soit. Avoir la paix et puis c’est tout.